D’où vient cette sensation de liberté qui habite le nouveau film de Pedro Almodovar, court-métrage librement inspiré de la pièce de Jean Cocteau, La Voix humaine ? Ecrit en 1929, ce monologue au téléphone d’une amante quittée, prénommée « Elle », fut créé en 1930 par Berthe Bovy à la Comédie-Française, à Paris. Texte un peu geignard d’une femme qui tout à la fois souffre et encaisse la rupture, truffant ses paroles d’innombrables « mon chéri ».
Le cinéaste espagnol s’est visiblement amusé. Est-ce la joie d’adapter enfin, à l’âge de 71 ans, ce texte qu’il citait déjà dans son premier long-métrage, La Loi du désir (1987), et qui fut à l’origine de Femmes au bord de la crise de nerfs (1988) ? Est-ce le plaisir de s’attaquer à ce « monument » maintes fois interprété – Simone Signoret en fit un enregistrement intégral qui lui valut le Grand Prix du disque en 1964 ? Est-ce le fait de s’autoriser une réécriture bien plus insolente et revendicative ? Ou l’excitation de tourner pour la première fois en anglais, en confiant le rôle à l’Ecossaise Tilda Swinton, qui « s’almodovarise (tenues rouges, regards de vengeresse) tout en restant unique en son genre, dans sa blonde pâleur ?
Après l’Espagne, où le film a connu les joies de la salle de cinéma le 21 octobre 2020, La Voix humaine sort en DVD en France vendredi 19 mars, ainsi que sur les plates-formes.
« Casser » l’illusion du décor
L’œuvre de Cocteau hante Almodovar depuis les années 1970, lorsqu’il découvrit l’adaptation au cinéma qu’en avait fait Rosselini, L’Amore (1948), avec Anna Magnani. Mais, pour le cinéaste espagnol, La Voix humaine ne devait pas s’étirer sur un long-métrage. Par ailleurs, soucieux de « l’autonomie morale » de l’héroïne, délaissée et trompée, il souhaitait lui trouver une échappatoire digne de la trahison.
Dans La Voix humaine, Almodovar expérimente et vide sa boîte à outils. Geste libérateur qui lui permet de « construire » autre chose tout en conservant son univers, couleurs vives, pop art… Le cinéaste a voulu « casser » l’illusion du décor cinématographique en filmant le studio dans lequel est aménagé le faux appartement du couple. Idée subtile de mise en scène qui permet à Tilda Swinton – munie d’oreillettes connectées – de déambuler entre « coulisses » et plateau, délestée du smartphone, et de brouiller les pistes : est-on au cinéma, sur la scène d’un théâtre ? Dans cette performance aux allures de factory warholienne, on pourrait croire, aussi, que cette femme erre dans une coquille vide, un lieu vidé de ses artistes.
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