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JoeyStarr: «Je m’attendais à autre chose avec TF1» - Le Figaro

INTERVIEW - Le rappeur poursuit son incursion à la télévision avec Le Remplaçant, une fiction dans laquelle il incarne un professeur vacataire peu conventionnel. Rencontre.

JoeyStarr serait-il devenu bankable? TF1 semble le croire. Après des seconds rôles dans Mafiosa , Dix pour cent , Capitaine Marleau , Munch et Gloria , le rappeur de 53 ans est la tête d’affiche du pilote de la série Le Remplaçant . Une fiction réussie dans laquelle il convainc. Pour son premier «premier rôle» à la télévision, il incarne Nicolas Valeyre, un professeur de français pour le moins atypique, attachant mais sans complaisance. Un rôle presque sur mesure pour celui à qui l’on ne dicte pas ses volontés. Mais qui, pour un scénario dont il est à l’origine et en échange d’un cachet, est prêt à se montrer discipliné. «On en est tous là aujourd’hui. Du coup, je me retrouve sur TF1», ironise-t-il.

Très en verve, l’acteur s’est prêté au jeu des questions-réponses non sans humour ni sans manquer une occasion de nous renvoyer dans les cordes. «C’est bon, on a fini l’interview?», demande-t-il à peine l’entretien démarré. «Non? Bon, allez-y, je vais faire le mec concentré», finit-il par céder, nous gratifiant de ses meilleures expressions.

LE FIGARO. - Comment vous êtes-vous retrouvé dans Le Remplaçant?
JOEYSTARR. -
Les producteurs sont venus me voir sur un tournage avec une bouteille de rhum. J’ai compris qu’ils avaient quelque chose à me demander. Ils m’ont dit avoir pensé à moi pour une série avec moi dans le rôle principal. J’étais un peu circonspect. Ils précisent pour TF1. Je me dis de mieux en mieux! Là ils me demandent si j’ai une idée en tête. Je fanfaronnais un peu et je leur ai répondu que je ferais bien un truc sur l’école. Ils voulaient que j’en dise plus et comme je suis bon en improvisation - je suis ce qu’on appelle un enfumeur de compétition -, j’ai commencé à leur parler d’une info que j’avais vue dans l’actualité.

Laquelle?
Il y a deux-trois ans, l’éducation nationale faisait des annonces un peu partout pour embaucher car ça manquait de postes, comme d’hab’. Mais là ils recrutaient des personnes à partir du moment où elles avaient le niveau bac et une matière en main. Une gamine expliquait qu’elle devait passer le bac à la fin de l’année mais qu’elle n’avait pas eu de cours d’anglais depuis le début du trimestre et que c’est finalement une institutrice anglaise, qui ne maîtrisait pas le français, qui leur faisait cours. Je trouvais intéressant d’incarner un remplaçant, quelqu’un qui arrive pour on ne sait quelles raisons. L’aventure a commencé comme ça.

En bon connaisseur de rhums, était-ce une bonne bouteille au moins?
Ils auraient pu mieux faire. Mais que voulez-vous, je suis une fille facile... Il y a un #MeToo qui se planque dans ce que je viens de dire.

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«Il y a toujours un doux dingue pour penser à moi, c’est flatteur»

JoeyStarr

Comment avez-vous abordé le rôle de Nicolas Valeyre?
J’ai pensé que ça serait bien que je fasse une immersion dans un lycée. Le réalisateur Nicolas Guicheteau m’a répondu de jouer avec mon charisme. «T’es capable d’être relou comme drôle, ça devrait le faire.» Dans le casting, il y a des jeunes acteurs confirmés donc il y a eu cet effet de groupe. Même si la moitié d’entre eux pensaient que j’étais une vieille speakerine sur le retour, une dame météo ou un truc dans le genre, on s’est bien marré. De plus, grâce au travail du scénariste, je me suis approprié l’histoire et ça a été un plaisir de tenir ce rôle. Avec TF1, je m’attendais à autre chose mais en fait ça a été tout le contraire, j’ai trouvé que c’était assez carré.

Sachant que vous teniez le premier rôle et que l’idée venait de vous, avez-vous profité de ce «statut» pour jouer le maître des lieux sur le tournage?
Il le fallait (rires). Pisser dans les coins, c’est un truc que j’ai toujours fait! Néanmoins, je n’étais pas seul. Il y avait Barbara Schulz qui envoyait aussi le pâté. Contrairement à ce qu’on peut penser de moi, je suis un très bon soldat. Avec Nicolas Guicheteau, on discutait, discutait, discutait et après on actait. Je me suis vraiment amusé et j’ai pris un plaisir malsain.

Pourquoi malsain?
J’ai arrêté l’école après la troisième et par le biais du cinéma et du théâtre, je me retrouve à jouer un flic, un électricien... tout ce qui ne ressemble pas à JoeyStarr. J’adore cette idée. Ça m’amuse de sortir de cette posture. En plus, il y a toujours un doux dingue pour penser à moi, c’est flatteur. Et puis ça permet aussi de montrer à mes enfants que je ne suis pas qu’une tête de con même s’ils me regardent avec amour.

Quel genre d’élève étiez-vous?
J’étais dissipé mais pompe à vélo, c’est-à-dire jamais frontal. Je ne l’ai jamais ramené face un prof. J’ai toujours été dans l’effet de groupe, dans les travées, un petit fils de pute quoi! J’allais à l’école pour qu’on me foute la paix. Mon père n’a pas eu la chance d’y aller comme il l’entendait. Que j’y aille, c’était pour lui comme toucher du bout du doigt quelque chose mais en fait, il ne suffit pas d’envoyer ses gosses à l’école, il faut être là avant et après.

«Il y a un philosophe de proximité qui s’appelle Kool Shen qui a décrété un jour qu’on était des profs en sodomie verbale»

JoeyStarr

Ne vous êtes-vous pas senti illégitime de tenir ce rôle sachant que vous avez arrêté l’école après le collège?
Il n’y a pas de légitimité à avoir, on est comédiens. À un moment donné, ma vie s’est inscrite autour des mots. Dans Le Remplaçant c’est aussi le cas. Ça m’a plu de jouer avec les mots. Il y a un philosophe de proximité qui s’appelle Kool Shen qui a décrété un jour qu’on était des profs en sodomie verbale. De fait, j’ai aussi ma place.

En fonction de l’accueil des téléspectateurs, Le Remplaçant pourrait devenir une série. Vous voyez-vous tenir un rôle récurrent?
Pourquoi pas? J’ai découvert il n’y a pas très longtemps qu’en faisant du théâtre que j’étais capable d’être là tous les soirs, à l’heure et très enjoué. J’ai 53 ans, je suis encore en construction, j’apprends encore énormément de choses sur moi-même au travers de ce que je fais tous les jours.

Comment ont réagi vos fils quand vous leur avez appris que vous alliez jouer un prof?
Ils n’en ont rien à cogner mais c’est vertigineux (rires)! Ils savent que leur père est capable de tout pour rien donc ils ont arrêté d’être surpris sur pas mal de choses.

Dans ce cas, avez-vous prévu d’organiser une soirée télé ce lundi?
Non mais maintenant que vous m’en parlez, je pourrais faire l’expérience (rires). Mon aîné ne pourra pas être là car il joue au football à Auxerre depuis qu’il a 10 ans. Mon deuxième, qui a 13 ans, est d’une nonchalance hors norme, je ne sais jamais ce qu’il pense vraiment. D’ailleurs, je lui ai interdit de résumer ses sensations avec «cool», «pas mal», «sympa». Je l’oblige à finir ses phrases, qu’il me dise ce qu’il a à dire.

«Quand je suis allé aux César pour faire l’hôtesse d’accueil [...], j’ai eu envie de me jeter en boule par terre ou de simuler un AVC»

JoeyStarr

Quel genre de téléspectateurs êtes-vous?
En vrai, je regarde essentiellement cette soupe que sont Euronews et France 24. Et sinon, je suis à fond séries. J’ai envie de citer Euphoria mais ça fait un moment que je l’ai regardée. En ce moment, je suis sur Homecoming avec Julia Roberts qui est juste magnifique. Je suis également sur la saison 2 de Servant ... Je rends fou les personnes autour de moi car je regarde quinze séries en même temps.

En comparaison avec le rap, que vous apporte le métier d’acteur?
Je le vois comme une continuité. Le rap c’est quoi? Se raconter, raconter des histoires, créer une ambiance. Le théâtre et le cinéma sont un peu dans le même domaine. Je tiens cette même posture de conteur.

Avez-vous regardé la dernière cérémonie des César?
Non ce n’est pas mon truc. Quand j’y suis allé pour faire l’hôtesse d’accueil en remettant des prix parce que j’ai des agents et qu’il faut bien gagner de la thune, j’ai eu envie de me jeter en boule par terre ou de simuler un AVC. C’est quoi l’idée de cette cérémonie? Une course en sac, le premier arrivé? De quoi on parle en fait? On parle d’art ou non? Je ne comprends pas comment on peut avoir deux espoirs ex-aequo. Je ne comprends pas pourquoi les personnes avec qui j’ai joué dans Polisse m’appellent pour me demander comment ça se fait que je me retrouve dans la catégorie second rôle alors qu’eux sont dans la catégorie meilleur acteur ou meilleure actrice. Attention, ce que je dis là n’engage que moi.

Qu’avez-vous pensé de l’intervention de Corinne Masiero?
Il faut qu’on arrête de croire qu’on est dans les paillettes en ce moment. J’ai trouvé l’intervention de Corinne très légitime. On n’est pas là pour dire que tout va bien. En plus, Corinne est assez rock’n’roll, elle a posé ses couilles sur la table. J’ai un respect pas à l’antirouille la concernant.

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